lundi 21 juillet 2025

Compte-rendu de la sortie " Mégalithes du Sud -Touraine" du Samedi 19 Juillet 2025

 

DE « PALETS EN BOGUES » DE GARGANTUA : BALADE PARMI QUELQUES MEGALITHES DU SUD-TOURAINE.

Polissoir du Petit-Pressigny : La « Pierre-Birette » ou « Pierre du Diable » :

Initialement situé près du château des Bordes , au Petit-Pressigny , ce polissoir a été offert par son propriétaire au château-musée du Grand-Pressigny , où il  a été transporté le 1er Juin 1954 , et où il est resté depuis lors . ( Sur cet évènement , voir sur internet  le film d’archives : https://memoire.ciclic.fr/11586-activites-au-musee-de-prehistoire-du-grand-pressigny )

                             


Il s’agit d’un bloc de poudingue de 2m,20 X lm,70 à la base et dépassant initialement du sol d’environ  0m,80. Il présente 7 rainures nettes et 8 autres traces de polissage moins marquées .

 

                                

Dans le folklore berrichon , une «  birette » est un esprit malveillant , un sorcier jeteur de sorts . A Bué-en-Sancerre (18) , ce passé folklorique revit sous forme de la « fête aux Birettes » qui a lieu chaque année début Août .

 

Le dolmen de Charnizay : « les Palets de Gargantua »

 

   

 

                           

Sur l’origine de cette curieuse structure , on ne peut formuler que des hypothèses : dolmen détruit ? dolmen incomplet ? C’est cette dernière version que semblerait retenir la plaquette officielle de présentation du monument . On notera le caractère monumental des blocs utilisés , qui s’avèrent également assez bien équarris : on pourrait évoquer sur ces critères une structure de type angevin , ce qui ferait remonter le monument au Néolithique moyen II ( 4000 – 3500 AEC ) . Cette conjecture repose uniquement sur une impression architecturale car on ne trouve pas de référence au sujet d’éventuelles fouilles

Selon la légende : « La femme de Gargantua transporta ces palets au champ de l’Humiau dans son tablier de noces » ( J.M.Rougé ) . Gargantua s’exerçait à les lancer .
Le matériau est un poudingue .

 

Le dolmen de Paulmy : « La Pierre chaude »

 

             

Structure plus « classique » que la précédente : on retrouve 6 orthostates et une dalle de couverture à demi effondrée à l’intérieur , ce qui la rapproche des « dolmens simples » de la région-Centre , à comparer avec les dolmens du Liège à Montrésor , de Marcilly-sur-Maulne , ou de Maupertuis à Lhomme (72) . Ce type d’architecture signerait une construction plus récente que les « dolmens angevins » : plutôt Néolithique récent , voire final , soit 3500 – 2500 AEC .
Côté Est , le dessin qui figure sur la dalle de couverture évoque une hache . Il s’agit d’un lusus naturae et non d’un artefact anthropique .

Concernant d’éventuelles fouilles archéologiques , on retrouve rapporté par dans l’inventaire de G.Cordier le morceau de bravoure suivant : ( Juillet 1887 )

 

               

« Les fouilles, exécutées sous la direction de M. Chauveau, ancien instituteur à Barrou, n'ont pas été très fructueuses. Poussées jusqu'à lm,20, limite supérieure d'une couche de glaise qui n'a évidemment jamais été remaniée, elles ont eu pour résultat la découverte d'un certain nombre d'ossements humains et d'animaux mélangés avec un peu de charbon et des cendres dont on apercevait la trace dans les terres environnantes. A ces ossements, il faut ajouter les débris de plusieurs vases et de pierres travaillées de main d'homme » . Les ossements comprenaient, entre autres, un « crâne assez bien conservé» dont Dubreuil- Chambardel put déterminer l'indice: 80 (Touraine préhist., p. 60-61) (43).

La tradition rapporte que la Pierre Chaude servait « soit de siège pour les fées, soit de billot afin que les druides égorgent leurs victimes» (Fournier).

Le dolmen du « Chillou-du-Feuillet » à Balesmes , commune de Descartes :

                 

Située au milieu des champs cette structure aurait été selon G.Cordier totalement vidée et remblayée à une époque inconnue . Toutefois , ont été ultérieurement recueillis quelques éclats bruts , des fragments de lame et de céramique néolithique ainsi que quelques ossements humains et animaux  .

 

                                                                  

Une interrogation se pose quant à la forme initiale du monument , l’orthostate d’entrée situé au sud étant très nettement divergent de l’axe du monument  mais également de son homologue côté nord . Il est vrai que les environs immédiates révèlent d’assez nombreux blocs de moyenne ampleur : restes de cairn ou fragments issus du débitage partiel de la structure ? Il est possible que des éléments constitutifs : orthostates ou dalles de couverture aient été déplacés au cours des siècles .
Le matériau est un grès ferrugineux de couleur ocre à brun-foncé .
La légende rapporte qu’il s’agirait – là encore – de palets utilisés par Gargantua , qu’il aurait utilisés pour viser la « bogue » de la pierre percée de Draché .

 

Le dolmen de la « Pierre-Levée » de Confluent , à Yzeures-sur-Creuse :

Au confluent de la Gartempe et de la Creuse , près du hameau éponyme de « Confluent » se trouve le dolmen de la « Pierre-Levée ».

              
                        

Comme le dolmen de la « Pierre-Chaude » à Paulmy , il s’agit vraisemblablement d’un « dolmen simple » , comportant encore 3 piliers en place ( poudingue )  , dont 1 brisé en 3 fragments côté ouest et une volumineuse dalle de couverture ( meulière lacustre )  .

          
               
 

Son intérêt majeur est d’être le seul dolmen du département à conserver une partie de son péristalithe : c.à d. le cercle de pierres que l’on voit au premier plan sur la photo , à l’Ouest du monument , un unique bloc demeurant à l’Est . Cet élément d’architecture servait vraisemblablement à caler la périphérie du cairn qui entourait et recouvrait la structure .

D'après Dubreuil-Chambardel, ce dolmen a été fouillé et « on y a trouvé des ossements humains» ( Touraine préhist., p. 60 ).

 

Menhir de la « Pierre-Percée »  de Draché , ou « Pierre des Arabes » ou « Pierre des Erables » :

Ce beau menhir , un des plus hauts du département , tire son nom de la tradition locale qui veut que , après la bataille de Poitiers , des combattants Arabes aient été inhumés à proximité , le terme d’ « érable » provenant de la corruption du mot « arabe ».

                


                                   

Il s’agit d’un fragment de grande dalle en calcaire spathique de 3,55 m de haut, pour une largeur de 1,90m et 0,80 d’épaisseur. La perforation a des dimensions de 0,35 x 0,23 m . D’origine naturelle , il semblerait qu’elle ait été « complétée » par bouchardage . Il y a lieu de s’interroger sur l’utilisation assez fréquente d’éléments présentant des  perforations naturelles ou artificielles , dans l’architecture mégalithique : orthostates ou dalles de couverture , menhirs … Ne doit-on pas indéniablement y ressentir une notion de « passage » : passage de l’ombre à la lumière ,  d’un monde à l’autre ? Les serments échangés au travers de cette ouverture auraient ainsi une valeur particulière .

On décrit sur la face Nord des « degrés taillés » dans la roche , il semblerait plutôt que l’on ait affaire à des stigmates d’extraction sur la face d’arrachement .

Un sondage a été réalisé en 1910 au pied du menhir qui aurait révélé « quelques éclats de silex non retouchés et un fragment de poterie à pâte noire . »

Enfin , il s’agit d’une « bogue » de Gargantua , propre à être visée par ce dernier au moyen des « palets » voisins .

 

Dolmen de la Pierre Levée à Pussigny : 

Ce petit dolmen assez bien conservé est intéressant de par la documentation dont il a fait l’objet à l’occasion des fouilles préventives ayant précédé la construction de la ligne TGV  Paris – Bordeaux

 

Ces fouilles ont en effet déterminé l’exis tence de deux sites archéologiques majeurs de part et d’autre de l’emplacement du dolmen :

 

Au nord-est , un site d’habitat du néolithique final : « le Fond d’Arrêt » , comportant pas moins de 9 habitations de dessin rectangulaire-ovalaire  , avec une abside à chaque extrémité , définies par 3 lignes de poteaux , la ligne centrale supportant le faitage . Ces habitats ont un plan très similaire à celui de la structure d’habitat toute proche au Petit-Paulmy à Abilly .

Les éléments d’industrie lithique révèlent un travail secondaire sur des produits pressigniens : grandes lames , scies à encoche , sans toutefois qu’il y ait eu sur place production de grandes lames pressigniennes ; aucune LDB n’a été retrouvée sur le site . La céramique s’apparente aux groupes chrono-culturels du néolithique final d’Artenac ou de Gord , sans toutefois qu’il n’ait été retrouvé d’éléments vraiment typiques de cette appartenance : notamment pas d’ « anses nasiformes ».

Au sud-ouest , une nécropole du Néolithique moyen I : « le Vigneau »  comportant 102 inhumations en fosses regroupant 112 individus . La céramique se rapporte au groupe chrono-culturel  de Chambon , certains aménagements des fosses sépulcrales les apparentent au type « Chamblandes » , établissant un rapprochement avec des groupes culturels de la région des Alpes : Savoie , Suisse . Il existe par ailleurs une différenciation sociale entre tombes «  riches » et tombes « pauvres » de par la qualité des objets qu’elles contiennent et la répartition spatiale .

Ces vestiges sont désormais à peu près recoupés  par le trajet de la voie ferrée .


Le dolmen en lui-même est un dolmen simple , avec une chambre funéraire polygonale , ouvrant classiquement à l’est .

 

                          

Il date probablement du néolithique récent ( 3500 – 3000 , AEC )  . Mais on ne peut cependant exclure une construction plus ancienne type « dolmen à couloir » avec disparition ultérieure  du couloir d’accès . Le tas de pierres qui entoure le dolmen représente t-il ce qui reste du cairn ou ce qui a été apporté au fil des siècles par l’épierrage du champ situé tout autour ? Probablement une résultante des deux  ? Toutefois , on remarque à la base du cairn – ou pseudo-cairn ? – regardant vers l’ouest , quelques grosses dalles formant une section de cercle pouvant évoquer les restes d’un péristalithe .
Les résultats des fouilles , datant de 1894 , sont indigents , comme il est bien souvent de règle à cette époque :
« Silex taillés, objets de bronze, entre autres une hache plate, ossements humains dont un crâne brachycéphale à indice 81 ou 82 » ( Bousrez )

Ce dernier exemple est une démonstration factuelle de ce que les sépultures mégalithiques ne sont bien souvent qu’une partie émergée de l’iceberg , en l’espèce , l’édifice remarquable et pérenne qui témoigne de la présence ancienne d’un groupe humain parfois sur des millénaires , alors même que les structures d’habitat et les inhumations en fosse ont depuis longtemps disparu .

 

 

                  

Je vous remercie de votre attention .

M.Ravoisier

 

Crédit illustrations :

-          Dessins : G.Cordier . Gallia préhistoire. Suppléments, supplément 1-1, 1963. Inventaire des mégalithes de la France. 1 — Indre-et-Loire

-          Photos : M.Ravoisier

Bibliographie : G.Cordier . Gallia préhistoire. Suppléments, supplément 1-1, 1963. Inventaire des mégalithes de la France. 1 — Indre-et-Loire*

Louis Bousrez : Les monuments mégalithiques de la Touraine . Etude générale , inventaire et description . Louis Bousrez libraire-éditeur , Tours 1894 .

M.Gruet : Mégalithes en Anjou . Edition actualisée par C.T. Le Roux . Editions Cheminements . 2005 .

J.M.Rougé : Voyage en Touraine inconnue , Editions C.L.D. normand & Cie éditeur , 3e édition , 1976 .

Anne Hauzeur, Arnaud Coutelas, Johanna Terrom, Gwenaëlle Goude. Pussigny “Le Vigneau”: une nécropole à quartiers socio-économiques. Nicolas Fromont, Grégor Marchand, Philippe Forré (dir.). Statut des objets, des lieux et des Hommes au Néolithique. Actes du 32e colloque interrégional sur le Néolithique Le Mans, 24-25 novembre 2017., Mémoire LV, Association des Publications Chauvinoises, pp.275-287, 2021, 979-10-90534-65-0. hal-04111466

DONNÉES NOUVELLES SUR L’HABITAT DU NÉOLITHIQUE FINAL EN MARGE DU GRAND-PRESSIGNY : LES APPORTS DU SITE DU « FOND D’ARRÊT ET DE LA PIERRE LEVÉE » (PUSSIGNY, INDRE-ET-LOIRE) Marie Laroche, Lætitia Fénéon, Harold Lethrosne, Mathieu Rué, Gautier Broux,Aurélie Castets, Paul Fernandes, Marylise Onfray

 

Glossaire :

AEC : Avant Ere Chrétienne

Cairn : amas de blocs de pierre entourant un dolmen , souvent le résultat d’une architecture complexe , et servant - initialement , à la mise en place de la dalle de couverture
                         - puis stabilisant l’ensemble de la structure et lui conférant sa solidité .

Chambre funéraire : espace vide servant à recueillir les corps déposés dans le dolmen .

Dalle de chevet : (  par analogie avec les églises ) orthostate fermant le fond de la chambre funéraire , en règle du côté opposé à l'entrée .

Dalle de couverture : gros  bloc servant de couverture à la chambre funéraire . 

Orthostates : piliers verticaux délimitant la chambre funéraire

Péristalithe : alignement de grosses dalles à la périphérie de la partie basse du cairn , servant de calage à celui-ci

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